A 15 h à l’abribus. On descend en ville. Pas de portable pour s’enquérir d’un retard. Années 90. Autre époque. Les cassettes qu’on rembobine avec un crayon. Les tubes à la radio enregistrés sur les bandes. J’ai pas les débuts, le temps d’appuyer sur les deux boutons simultanément. La valisette pour ranger les cassettes, les écouteurs du walkman, deux coussins de mousse qui font une tête de poke. Et toutes ces piles alcalines…
Je dis abribus mais c’est juste un totem de plastique planté dans le goudron. Marie sera t-elle dans le bon car ? Ligne 3, depuis Les Couplets. Maud elle, est à l’heure. La bise. Il me faut un ticket. Chez la sorcière juste en face. La buraliste fait peur derrière son comptoir. Elle vend aussi des cigarettes en chocolat. Ses dents sont noires ou tombées. Ca sent le tabac vieux et froid. Il fait sombre, je ne m’attarde pas. Mon poing se tend avec les francs. L’appoint tout juste, extrait pièce par pièce un peu plus tôt du porte-monnaie maternel.
On descend où ? A Chantier ? Ok mais on passe au Printemps. Les rayons s’étalent jusqu’à l’étage, grand magasin de province, Au bonheur des dames, Chez Ratti, j’aime déjà l’art déco. Maud s’extase sur des parfums. Fragrances de banane, de pêche ou de cerise. Je pulvérise la fraise à outrance sur Marie. Elle transpire la tarte aux fruits, nous en rions. Nous avons 14 ans et nous devenons amies…