Texte 1 – Manège
Il m’a ramenée. Il pleuvait. » Je ne peux pas vous laisser rentrer à pied ». Il a ouvert la portière côté passager, s’est proposé de me tenir mon parapluie le temps que je m’assois. Il a replié le parapluie, me l’a rendu en souriant, a vérifié d’un geste de la main que le pan de mon long manteau ne traînait pas hors de l’habitacle. Il a refermé la portière sans la claquer trop fort. Il a fait le tour de la voiture, m’a rejointe en prenant place derrière le volant et il a mis le contact en me demandant à quelle adresse il pouvait me déposer. « 14 rue de la Haute-Folie » ai-je dit. Il a pianoté sur l’écran du GPS et a enclenché la marche avant. Sa conversation était délicieuse, je me souviens il m’a parlé des poètes français, Rimbaud, Verlaine… a cité Apollinaire son préféré « sous le pont Mirabeau coule la Seine et nos amours… » , il a raté la sortie du rond point, alors il a fait faire un 2e tour à la voiture, il s’est moqué de lui-même, m’a cru voir sourire et a braqué le volant un peu plus sèchement dans un 3e tour de rond point gratuit. Il avait l’air satisfait que mon corps se déporte, que mon épaule touche son épaule à lui, alors, il a fredonné comme ça « mon manège à moi c’est toi. »
Et puis, nous sommes arrivés devant mon immeuble, la pluie tombait toujours, il s’est penché sur moi, a tendu le bras pour ouvrir ma portière de l’intérieur et, sans un mot s’est mis à chercher dans la poche de son blazer. Je suis sortie de la voiture, j’ai ouvert mon parapluie, il a jeté les billets sur le siège passager, je les ai pris, j’ai marché dans la nuit.
Texte 2 – Poubelle
Il m’a ramenée, il pleuvait. J’ai pris place sur le siège passager après avoir refermé mon parapluie. J’ai claqué la portière, il s’est assis derrière le volant. « Je vous dépose où? » J’ai dit à la mairie, j’ai pensé c’est plus simple comme ça. Il a acquiescé, ne s’est pas adressé à moi de tout le trajet, le regard vissé sur la ligne pointillée blanche qui se déroulait sur le bitume, les lumières criardes des réverbères défilant sur ses joues. Il a pris un sens interdit, a balancé un grand « merde » en le réalisant, a roulé sur le trottoir quand une voiture est arrivée en face, il a cogné une poubelle et a encore juré : « non mais c’est pas possible journée à la con, bordel ! »
Et puis nous sommes arrivés devant la mairie, la pluie tombait toujours, j’ai ouvert la portière, je l’ai remercié en sortant de voiture et j’ai refermé la portière sans la claquer trop fort. Sous mon parapluie rouge, j’ai marché dans la nuit. J’ai soudain entendu ses pas se précipiter derrière moi, il a passé son bras sous le mien, m’a souri et m’a dit : « Je ne peux pas te laisser marcher seule comme ça, je te raccompagne chez toi. »
Atelier d’écriture : à partir d’une photo, écrire un texte somptueux et un autre texte désertique