D’où je pars – il faut un début à toute histoire…

d’où je pars, je laisse la clef,
déjà je suis
avant que tout ne se précipite.

Rappelle-toi,
j’ai guetté les roses un matin du monde, les pieds nus dans l’herbe froide et humide, le nez sous la lune, mon vêtement de nuit relevé sur mes jambes. C’était il y a longtemps. J’étais bien peu de choses, une graine plantée entre terre et voie lactée.

D’où je pars, je suis nouvelle-née. Un big bang voilà le début – n’avais-je pas déjà commencé? – dans la poussière des constellations, un atome percutant un autre atome, le hasard et la vie qui s’emballe, tout vient de là.

D’où je pars, dans la terre meuble de cet ancien champ loti, l’enfant au creux de sa mère, doucement se rassemble; l’ombilic, le sang, les racines : elles poussent et s’étendent, enserrent et enlacent, amalgament mon âme à la roche glaçante d’un satellite capricieux.

D’où je pars – sombre idiote – j’y ai laissé mon énergie à désespérer les roses, à contempler tant d’éclipses comme de nouvelles lunes. Sous les mains d’un agile potier, j’ai été déesse callipyge, d’ivoire ou d’argile, idole des temps anciens, noyée sous les boues. Oh… Comme la nuit j’ai menti…

« Alunis, alunis donc !  » me suis-je alors ordonnée dans la débâcle de ces marées incertaines. Contre ce séisme intérieur, face à la tectonique de mes désirs frustrés, j’ai choisi de tout quitter et, refermant la porte sur l’univers qui a été le mien, embrassant les prémices d’un nouveau monde,
alors
j’ai vu les roses.

Atelier d’écriture du 2 mars 2019
Thème : Lune et terre, oulipo : écrire à partir des mots inspirés

Mes mots.
Lune : poussière, froid, énergie, roche, satellite, marées, alunir, éclipse, nuit, constellations, voie lactée.

Terre : champ, terre meuble, argile, potier, roses, boue, tectonique, séisme, graine, big bang.

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