Un éclair déchire le ciel, la figeant dans la cuisine, l’éponge dans la main droite.
Comme l’enfant sidérée, elle se poste devant la fenêtre, vue sur jardin. Des perles de grêle blanches déferlent sur la pelouse verte avec violence. Son esprit concentré sur le phénomène chasse toute pensée et la laisse dans un bref état méditatif.
Septembre.
« Il n’y a plus de saison » aurait dit son grand-père, si nostalgique des longs étés flamboyants fleurant les premiers congés, les premières virées sur les routes, les pique-niques improvisés dans les champs.
La planète est déréglée. Le monsieur orange lui, peut bien clamer le contraire, même dans les décombres texans. La planète hurle sa colère.
« Qu’est-il advenu de mon été ? » se demanda t-elle. Il y eut pourtant de beaux jours ensoleillés et chauds comme autant d’échappées à la mer. Personne ne s’en souvient pourtant. Si le climat s’est montré susceptible, cet été a été un des plus beaux de sa vie. Et là, dans son jardin recouvert de petites billes blanches, il semble aujourd’hui laisser la place à d’autres saisons.
Deux larges mains passent soudain autour de sa taille et un souffle rejoint son oreille. Nul besoin de se retourner : lui.
Elle lui fait remarquer comme la grêle rebondit sur le gazon. Un seul rebond pour chaque grain comme si l’herbe ne laissait aucun recours à plus de fantaisie. Le bruit de chaque impact sur le toit est fort, pareil à des grains de maïs éclatant contre le couvercle d’une poêle chaude. « Regarde, écoute, dit-il. On dirait du popcorn ! »
Elle sourit, empoigne son bras droit de sa main gauche pour resserrer son étreinte sur elle. Ils en ont fabriqué des souvenirs cet été; des rêves aussi, des forêts. Sa tête est remplie d’images comme de mots, de tous ces mots échangés qui, posés les uns sur les autres aujourd’hui, forment un mille-feuille de complicité douce, un tapis de mots, d’amour. Des mots, des mots d’été.
Les tous premiers mots, ceux prononcés les pieds dans l’eau, qui cachent la gêne et dessinent au fusain les premiers contours de l’autre.
Les mots qui taquinent pour se donner une contenance et déjà, se projeter dans un rire.
Les mots sérieux qu’on égrène le long du halage comme pour chercher les preuves de.
Les mots qui dansent, qui enlacent et bercent sous les étoiles comme au creux des oreillers.
Les mots secrets, cachés derrière les roses.
Les mots mouillés qui craignent le voyage et l’éloignement des vacances méritées. Et puis les mots qui confortent quand elle lui revient enfin, toute bronzée.
Elle pourrait rattraper les souvenirs de ce si bel été en les empoignant par les cheveux; Elle pourrait… Surtout lorsque mars s’invite en septembre dans son jardin… Mais elle jette l’éponge dans l’évier (celle-là même qu’elle tenait dans sa main au tout début de ce texte…).
Elle jette l’éponge car
finalement l’été lui reste,
là,
entre ces bras à lui, dans son sourire, l’été, contre vents et marées : invincible été.
Atelier d’écriture – Thème : empoigner l’été par les cheveux