Ma tronche dans la presse

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« J’t’ai vue dans la presse Claire et t’es vraiment bien… La photo en grand … Super belle… »
Ça c’est Patricia, la gentille dame de la cantine. Voilà qu’elle me parle de ça cette semaine, plus de 15 jours après. Ma tronche dans la presse.

Il y a quelque chose chez moi qui n’assume pas. L’écriture. Comme un rappel de mes années lycée, à noircir des pages en secret, bien vite étouffées par les tiroirs de mon bureau. Mon coming-out des mots est assez récent. Un jour j’ai tendu à mes parents un assemblage de textes et de photos. Cadeau. Pas surprenant au final dans notre famille. D’autres avant moi écrivent. Question de sang. Et puis plus tard, enceinte, je poussais pour la première fois la porte des ateliers d’écriture de Janine Mesnildrey à Saint-Lô. Je me rappelle. Il neigeait, j’avais du mal à traîner mon gros ventre jusqu’aux Archives départementales (la bibliothèque était fermée), mes joues étaient en feu lorsque je lus fébrile, pour la première fois un de mes textes à d’autres personnes. Un texte sur Lima. Je ne l’oublierai pas. Il était d’abord question d’un oiseau de fer se prenant pour une plume…

Et puis un blog, pour arrêter d’envoyer mes proses par mail de manière anarchique à ceux qui réclamaient. Un pseudo et maintenant, plus vraiment possible de se cacher.

Quand Hélène de Côté Manche, hebdo local, distribué gratuitement en centre Manche – m’avait parlé d’un article sur les blogueuses de la Manche, j’hésitais. Puis après avis des copines « c’est bon t’as pas à être gênée, c’est chouette ce que tu fais ! » je répondais OK. Mon portrait serait au milieu d’autres, ça passerait comme une lettre à la poste. Bon. Je ne m’attendais pas à voir mon visage sur une grosse partie de la page… Et puis comment dire… Je connais bien la presse et en principe, ce n’est pas à moi de faire l’objet d’un papier…

« Qu’est-ce qui y a maman ? » me demanda ma fille ce mercredi où j’ouvrais, livide, Côté Manche devant la boulangerie… « Oh… rien… c’est que … maman est dans le journal… »
C’est touchant un jeune enfant tout fier de sa maman… Même la maîtresse a découpé l’article c’est dire…

Cette semaine-là, je n’en menais pas large. Déjà parce que c’était une étrange semaine. Une semaine choquante, pleine de larmes et de colère. Je perdais mes grand-mères à quelques jours d’intervalle et j’étais révoltée. Deux femmes qui avaient été tout au long de ma vie, des modèles de bravoure et de combativité. Deux femmes autour desquelles tous se réunissaient. Deux femmes qui m’avaient toujours soutenue et qui aimaient me lire. L’article sortait alors que je venais de dire adieu à l’une dans un grand déchirement et, tandis que je devais me préparer à accompagner la seconde. J’étais traversée de plein d’émotions. J’avais aussi peur du regard des autres. Comment allait-on réagir autour de moi ? Beaucoup des gens que je côtoyais tous les jours ne savaient rien de ma passion pour l’écriture. A la salle de sport j’avais l’impression qu’on me lorgnait avec insistance et de travers. Toute la journée, je rasais presque les murs, baissais le nez sur mes pieds. Pour rien en fait. Car je n’eus quasiment aucune remarque. Et puis au fil des jours, je me voyais rassurée : personne n’avait vu l’article, c’était sûr ! Je respirais à nouveau et puis, une adsem, quelques amis, Patricia, un ou deux collègues, une voisine, venaient petit à petit vers moi. Bienveillants. Une maman dans la cour d’école vint me voir « c’est vous qui écrivez ? Je vous lis. C’est tellement bien, continuez ! » . Avant on se croisait tous les jours sans se dire un mot et maintenant on se sourit… C’est pour ça que j’écris. Pour des sourires, des mots échangés, des regards croisés, des « moi aussi…« 

Mes grand-mères seraient fières de moi. Et je suis fière de descendre de ces femmes fortes et d’être moi-même comme ma mère, comme ma sœur, une femme, une amie, une fille, une mère appréciée. J’écris. Je ne sais pas exactement comment ça se fait, c’est quelque chose qui me vient de très loin, quelque chose d’archaïque.  Et j’ai ma tronche dans la presse. Je n’ai pas à en rougir ou à baisser les yeux ou à m’inquiéter de ce qu’en pensent les autres. Nous ne devrions pas redouter une seule seconde de ce que les autres pensent de nous. Cela ne devrait même pas effleurer un instant notre esprit. Nous sommes nous. C’est tout. L’important est de savoir qui nous sommes, d’où nous venons et ce que nous pouvons faire sur cette terre pour avancer au mieux, debout, bien droits dans nos godasses.

Les jolies femmes se demandent où réside mon secret
Je suis loin d’être mignonne, ou de taille mannequin
Mais quand je le leur révèle, elles pensent que je mens.
Je dis : mon secret réside dans la portée de mes bras
La foulée de mes pas
L’ourlure de mes lèvres.
Je suis une femme
In-cro-ya-blement .
La femme phénoménale
C’est moi.

Je dis
C’est dans le feu de mon regard
Et l’éclat de mes dents
Le balancement de ma taille
Et la joie de mes pieds.
Je suis une femme
In-cro-ya-blement.
La femme phénoménale
C’est moi.
Je dis
C’est dans la cambrure de mon dos
Le soleil de mon sourire
Le tracé de mes seins
La grâce de mon style.
Je suis une femme
In-cro-ya-blement.
La femme phénoménale
C’est moi.

Poème de Maya Angelou

Aux femmes de ma vie. Claire

L’article en question – Côté Manche

 

8 réflexions sur “Ma tronche dans la presse

  1. A une époque où il y a bientôt plus de gens qui écrivent que de gens qui lisent, tu n’as absolument pas à rougir d’avoir ta tronche dans la presse. Bravo !
    Par contre, je n’ai pas pu empêcher un énorme sourire en m’imaginant dans la situation où une maman de l’école viendrait me voir en me disant : « c’est vous qui écrivez ? Je vous lis. C’est tellement bien, continuez ! ». Comment dire… 😉

    J’aime

  2. Très beau message Claire ! Nous devons toujours assumer qui nous sommes et être fières d’être ces femmes de bravoure.

    Mille bisous

    No

    Le 26 mars 2017 12:22:35 AM Blonde Thinking on sundays

    Aimé par 1 personne

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