Écrire un poème qui peine à émerger, ces matins d’hiver frisquets où la couette douillette et chaude est une tentation trop délicieuse. Écrire un poème qui bougonne les yeux clos,
et retarde la sonnerie du réveil de cinq minutes en cinq minutes depuis 6h30. Écrire un poème du pied gauche, un poème qui s’enroule de lainages, superpose les couches; un poème qui se frotte les mains et traîne ses grosses chaussettes jusqu’à la cuisine, le cœur en dedans, l’envie dans le gris. Écrire un poème ronronnant comme la machine à café fatiguée qui rumine son liquide brûlant en abandonnant tout espoir de détartrage prochain. Écrire un poème noir, brûlant, corsé, amer mais réconfortant. Écrire un poème qui s’emballe dans la course de ces matins pressés : réveil, câlins, baisers, cartoons, pain au chocolat, débarbouillage, manteau, cartable, voiture. Écrire un poème volubile, main dans la main sur le trottoir mouillé dans le jour rose qui renaît. Écrire un poème se frayant un chemin dans ces couloirs carrelés embaumant la craie, les produits nettoyants citronnés, l’after-shave et le petit beurre. Écrire un poème quand les mots se lisent sur les lèvres au travers de la baie vitrée couverte de givre. Écrire un poème au volant, chauffage à fond 27°C, un poème soulagé de la tâche accomplie, un poème qui vérifie l’heure : 8h30; un poème posé dans la lumière du jour qui désormais peut tout dévorer; un poème qui respire, serein et prêt à en découdre avec les prochaines heures. Alors, écrire, écrire un poème dans ses cheveux, un poème qui craché-là comme ça donnerait à ceux qui le liraient une giclée de force pour avancer et peut-être, peut-être se lever…

Atelier d’écriture.
Consigne : s’inspirer de Thomas Vinau et de son texte « Un poème de bonne volonté » extrait du livre Bleu de Travail (La Fosse aux ours)