« On y voit rien là-dedans ! »
Il avait pensé à voix haute tandis qu’une vague d’air brûlant mordait soudainement sa peau. La sensation était d’abord désagréable. Que fallait-il faire ? Rebrousser chemin, renoncer face à l’environnement hostile ? Ou au contraire, être courageux, aller au-delà de ses limites, s’en tenir à ses objectifs coûte que coûte, être un homme, un vrai, un qui en dans le maillot de bain ?
Il choisit la seconde option et referma d’une main la porte vitrée couverte de buée, de l’autre main, il frotta l’humidité salée qui lui piquait les yeux. Le mur à sa gauche se mit à cracher un nouveau spasme de vapeur. Il s’en écarta brusquement et tenta d’apprécier la taille de la pièce. Elle lui semblait petite, de forme rectangulaire et recouverte de faïence. Son regard ne distinguait rien alors il fit courir en ayant l’air le plus naturel possible, sa main droite le long du mur. Pliant légèrement les genoux, sa main senti à son grand soulagement, la courbe naissante d’un banc. Il s’y laissa glisser, satisfait d’avoir franchi une première étape et de ne plus être planté comme un idiot dans cette drôle de petite pièce. Il sentit alors la chaleur ambiante tomber lourdement sur ces épaules, rendant sa respiration laborieuse mais le remplissant étrangement de sérénité. Quelques minutes s’écoulèrent au cours desquelles il tenta de se concentrer uniquement sur sa respiration . Inspirer… Expirer… Ne penser qu’à cela. Se poser. Il avait entendu dire qu’en pratiquant longtemps l’exercice, on pouvait parvenir à ne penser à rien. Absolument à rien. Faire le vide, méditer. Il n’y croyait pas vraiment. Malgré sa pratique consciencieuse, chaque fois, une pensée finissait par s’introduire dans sa tête et par rebondir dans sa boîte crânienne. Les gens qui parvenaient à méditer en pleine conscience, devaient très certainement se la raconter. Voici à quoi il pensait lorsqu’il aperçut à côté de lui, une forme. Comment avait-il pu ne pas la remarquer jusque-là ? Certes cette fichue buée empêchait toujours de distinguer clairement les choses, mais il y avait bien quelqu’un sur le même banc que lui, juste à côté. Ce quelqu’un avait donc été témoin de ses premiers pas hasardeux dans cet endroit humide. Sans doute, cette personne avait même rit de lui. Il s’en voulait d’avoir été si peu attentif mais intérieurement, il se trouvait des excuses. Après tout, cette personne semblait allongée sur le banc. Debout, à tâtons et le temps de s’acclimater à l’ambiance, il n’aurait pu la voir au premier coup d’œil. Il était grand et une fois assis, son regard n’aurait pu également s’accrocher à elle. Il tressaillit. Elle… Oui il lui sembla que c’était une femme. La vapeur s’estompait légèrement et il remarqua à sa droite, à quelques centimètres de son genou, deux jolis pieds aux orteils vernis. Il sourit en réalisant qu’il aurait pu s’asseoir sur cette femme, sans s’en rendre compte. A quoi ressemblait-elle ? Ses jambes semblaient fines et musclées, la peau soignée et peut-être même très douce. Considérer le reste de son corps aurait été trop compromettant pour lui, il aurait fallu qu’il tourne la tête vers elle et qu’il fronce un peu les yeux. Le visage quant à lui était bien trop loin, dans la brume… Le mur près de la porte d’entrée cracha une nouvelle salve de vapeur à son grand désespoir. De nouveau on ne pouvait y voir quoi que ce soit. Il soupira bruyamment et ne pu retenir de lâcher : « Fait trop chaud là-dedans, c’est difficilement supportable… »
La femme à ses côtés bougea alors à ces mots et s’assit. Elle était désormais tout près de lui et il lui semblait sentir par moment le contact de sa peau moite sur sa peau à lui. Le bras et même peut-être le haut de sa cuisse. Elle resta silencieuse. « Que se passait-il ? » s’interrogea-t-il. Pourquoi cette femme était quasiment collée à lui désormais, tandis qu’il y avait d’autres endroits pour s’assoir ? Défendait-elle son territoire ? Car lui s’était en quelque sorte approprié ce banc sans même la voir et elle y était pourtant installée avant lui… La pression de son corps à elle sur son corps à lui se fit plus sentir encore. Il n’y avait plus de doute permis, elle faisait exprès d’être près de lui. Il était mal à l’aise. Il aimait à la fois le contact de cette inconnue – il trouvait d’ailleurs ce mystère charnel très excitant – mais il se demandait bien ce qu’il se passait. Pourtant, il priait pour que personne ne rentre dans la pièce et ne vienne troubler ce moment de sensualité. Il prit le parti de ne pas bouger et d’attendre voir. Il n’avait toujours pas tourné la tête vers elle et ne savait pas à quoi elle ressemblait. Il voyait juste ses jambes, ses pieds sur le sol et un morceau de son bikini couleur corail. La femme ramena son genou droit contre sa poitrine, posant son pied sur le banc. Dans ce mouvement, elle fit basculer doucement sa tête sur son épaule à lui. Il n’en revenait pas. Une inconnue était tout contre lui et avait posé sa tête sur son épaule. Il rêvait, cela ne pouvait pas être autre chose ! L’instant était délicieux. Et puis il ne sait pas ce qui se passa en lui. Là comme ça, comme un geste réflexe, il prit la main de la femme dans sa main à lui et leurs doigts s’entremêlèrent avec naturel et facilité. C’est alors que deux personnes entrèrent. Elles parlaient fort, riant et blaguant sur la chaleur, la vapeur et la faible visibilité. Il se mit à les insulter dans sa tête. La femme se leva. Elle avait de longs cheveux bruns, ruisselant sur la cambrure d’un dos parsemé de grains de beauté. Sans un regard ou un geste pour lui, elle quitta simplement la pièce, le laissant-là avec ses milliers de questions sans réponse, avec une pierre de frustration au fond du ventre et en compagnie de deux dindes toute fripées papotant sur le banc d’en face.
Il sortit du hammam après les quelques minutes qui lui furent nécessaires à retrouver ses esprits et sa contenance physique. Debout, face à l’espace aquatique, il scruta la piscine et l’alignement de transats, à la recherche d’une brune au maillot couleur corail. Pas une seule femme ne correspondait à l’apparition née dans les vapeurs chaudes du hammam. Avait-il rêvé ? Il regarda la paume de sa main droite, celle qui avait touché la main de la femme. Il pouvait encore y sentir la sensation de sa peau à elle contre sa peau à lui. Non il n’avait pas rêvé. Il referma la main, emprisonnant ce point de contact*. Qu’en ferait-il ? La seule chose dont il avait conscience à cet instant précis, c’est qu’il avait adoré ce moment et qu’il sentirait toujours ce point dans sa main. Désormais, quelque soit l’endroit où il irait, ce qu’il ferait, il aurait ça avec lui, en lui, et il en sourirait.
*La Septième Vague – Daniel Glattaueur

Sapristi! Tu as le tour d`émoustiller les sens d`un québécois! Bravo!
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Ah ah merci ! >Et merci pour l’utilisation du mot « sapristi » trop peu usité dans notre vieille France ! 😉 Bienvenue Marcel !
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Un joli rêve éveillé!
Sympa et mignon comme tout !
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Grrr ! Quelle rencontre dis moi !
J’aime beaucoup, l’ambiance est parfaite, la sensualité présente, l’envie d’être à sa place aussi.
Après quelques semaines intenses niveau pro et perso, je me demandais quoi faire pour profiter de quelques jours de congés que je vais m’octroyer très prochainement. Une petite journée en thalasso est une excellente idée ! Et puis, sait-on jamais…
Bien joué Claire.
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Hehe. J’attends ton texte wen…:)
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Ne t’en fais pas… Il germe tranquillement… Fais moi confiance.
😉😈😃
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Comme tu écris bien… Un délice de te lire.
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Merci 🙂 moi aussi je te lis 😉
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