Au cœur de la ville, nous étions comme engloutis. Après la quiétude qui régnait dans cet oiseau de fer, l’effervescence de cet endroit nous sauta à la gorge. Fatigue, décalage horaire, confort de ces sièges bleus impersonnels, plaisir à se faire servir par des hôtesses polyglottes. Sur le plancher des vaches, autre pays, autre continent, autre planète. La ville vibrait sans nous et nous étions ses spectateurs ahuris.
Je me rappelle tu sais.
Nos yeux émerveillés, la chaleur écrasante, les visages différents, notre singularité européenne, notre soif de prendre tout sur notre passage. J’imagine qu’avec le temps j’enjolive certains souvenirs, je camoufle les inexactitudes. Je crois, pour ça, tu ne m’en voudras pas…
Alors, je me figure que ce pas vers l’extérieur, vers l’inconnu, ce pas une fois les portes automatiques de l’aérogare franchies, ce pas je me figure que nous l’avons fait ensemble. D’un même élan, du même pied d’appui, ta main dans la mienne ou ma main dans la tienne…Je le sais, ce n’était pas exactement comme ça, mais j’aime à croire que sans doute, cela y ressemblait. Cela y ressemblait…
Et ensemble, nous avons tout pris. Tout.
Les véhicules vombrissant autour de nous, grouillant dangereusement par millier, ne soulevant plus d’air dans cette ville suffoquante. La poussière. Les immeubles tutoyant le ciel bleu, les couleurs chattoyantes sur ces femmes à la peau de cuir, les broderies raffinées des grands tissus enveloppant les enfants dans leur dos. Leurs étranges petits chapeaux. Les grosses mains sales de ces hommes travailleurs debout devant de larges sacs de jute. L’odeur des feuilles séchées de coca : invitation précoce à l’altitude. Les autres femmes, celles de Miraflores, plus légères, la peau claire, les traits plus fins, leur beauté espagnole… Le Pacifique léchant la ville de ses grosses déferlantes régulières et roulantes, perpétuelles. Les mosaïques du Parc de l’Amour…
Puis la nuit tombant sur les trottoirs de notre hôtel. Sa douceur malgré cette infatigable émulation autour de nous. Nous le savions, cette ville ne dormirait pas. Je me souviens aussi, cette bouteille d’eau que je parvins à acheter seule dans cette échoppe du coin de la rue. Je ne me souviens pas en revanche des plats que nous avons mangés. Le premier goût sur nos lèvres, pour moi, à jamais perdu. Et puis, nous nous sommes rapprochés une nouvelle fois du ciel. Notre chambre derrière un mur de verre, au plus haut de cette tour, comme s’il fallait encore contempler la ville, assister à son spectacle infini, pour l’emporter dans nos rêves…
Harassés, nous avons dormi comme de lourdes pierres, englouties dans le courant de cette onde rafraîchissante et inconnue.
Oui, au cœur de cette ville, nous étions engloutis et perdus.
Mais je t’aimais et tu m’aimais et nous pouvions alors tout affronter…
A Paul.

Pas grand chose à ajouter. C’est du lourd !
Bises.
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🙂
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Un texte romantique et inspiré. Merci!
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merci à vous
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